Finobuzz – Capitalisme, crowdfunding, démocratie: Sauver les médias, de Julia Cagé
Les médias sont en crise. Les saignées dans les effectifs des journalistes sont devenus monnaie courante. Plus qu’une crise du moment, il s’agit d’une mutation en profondeur de l’industrie. Toutefois, il existe des solutions pour stopper l’hémorragie !!
L’argent, l’argent roi, l’argent Dieu, au-dessus du sang, au-dessus des larmes, adoré plus haut que les vains scrupules humains, dans l’infini de sa puissance. » – L’Argent (1891), Émile Zola
Les médias sont en crise, et il faut Sauver les médias, soutient Julia Cagé, professeure à Sciences Po Paris, dans son livre Sauver les médias : Capitalisme, financement participatif et démocratie
Dans ce livre qui vient d’être publié, l’auteure part du constat que « [c]haque information est reprise à l’infini ; le plus souvent à l’identique. »
Julia Cagé remarque que « la réactivité du copier-coller » [Ctrl+C – Ctrl+V , vous connaissez ?!] prend le dessus sur « la collecte d’information originale. »
Les médias changent de paradigme, constataient de leur côté Jean Gabscewicz et Nathalie Sonnac en 2010 dans leur ouvrage L’industrie des médias à l’ère numérique.
« La révolution numérique bouleverse les règles du jeu et les positions de force des principaux acteurs. La possibilité de consommer de la musique, des journaux en ligne et des programmes audiovisuels grâce à une simple ligne téléphonique oblige à reconsidérer l’économie des médias traditionnels », écrivent-ils.
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Malgré le leurre des statistiques du nombre d’internautes consultant de « l’information » en ligne, un placebo qui se développe comme un virus dans les salles de rédaction, la réalité est toutefois plus nébuleuse…
Dans son livre, Julia Cagé déplore une baisse de qualité dans l’information diffusée, suite à sa « marchandisation« . Pourtant cette information fonde un des piliers de la démocratie, rappelle-t-elle.
Contre le modèle de société par actions (SA)
Il n’y a aucune raison de penser que le modèle de la société par actions et le financement des médias par la vente et la pub soit encore adapté à notre époque, à l’ère de « l’économie de la connaissance » et « du partage. »
« Au contraire, tout incite à innover et à apprendre de cette multiplicité des statuts qui caractérise l’économie de la connaissance un peu partout dans le monde », argue la normalienne dans son ouvrage.
Selon l’experte, un média (ou un groupe de médias) qui se retrouverait en situation de monopole représenterait un « danger pour la démocratie. »
Après un examen de la situation actuelle, l’auteure tire la sirène d’alarme:
IL FAUT SAUVER LES MÉDIAS [& LA DÉMOCRATIE].
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Le premier constat de la diplomée de l’Université Harvard est que l’Argent menace le bon fonctionnement de nos démocraties.
L’argent, jusqu’à ce jour, était le fumier dans lequel poussait l’humanité de demain; l’argent, empoisoneur et destructeur, devenait le ferment de toute végétation sociale, le terreau nécessaire aux grands travaux qui facilitent l’existence. »- L’Argent (1891), Émile Zola
Julia Cagé pointe du doigt « les millions déversés dans les médias par des individus fortunés (ou des groupes industriels). »
Un exemple frappant outre-Atlantique est celui de l’Oracle d’Omaha, Warren Buffett. Son empire, Berkshire Hathaway, détient une multitude de participations dans des médias, dont les 5 plus importantes sont dans:
(Source: Investopedia)
Pourtant, tout le monde convient que le marché ne doit pas gouverner la politique, consate Julia Cagé dans son livre.
« De même, l’information fournie aux citoyens afin d’éclairer le débat démocratique ne peut être laissée entièrement entre les mains du marché« , tranche l’auteure.
Un nouveau modèle: « la société de média »
Julia Cagé propose dans son livre « un nouveau modèle économique et juridique pour les médias du XXIe siècle, un statut innovant de « société de média », au croisement de la société par actions et de la fondation.
Ce statut se prêterait mieux à la finalité des médias et à leur objectif premier de « fourniture d’un bien public: une information de qualité, libre et indépendante, indispensable au débat démocratique. »
Dans le monde des médias, le « greed is good » du financier aux longues dents Gordon Gekko n’a pas sa place. Dans cette industrie, la « main invisible » de M. Le Marché doit être repensée.
« Disons-le tout net: ils [les médias] ne devraient pas être côtés, » écrit Julia Cagé. « D’autant que, quand ils le sont, les journaux ont légalement aux États-Unis une obligation fiduciaire de maximisation des profits vis-à-vis des actionnaires. »
Voici le paradoxe des médias actuels: « démocratie, information de qualité, liberté, indépendance » vs. « Capitalisme, court-termisme, maximisation du profit. »
Le capitalisme, s’il reste stable économiquement, et même s’il gagne encore en stabilité, crée, en rationalisant l’esprit humain, une mentalité et un style de vie incompatibles avec ses propres conditions fondamentales, avec ses motivations profondes et les institutions sociales nécessaires à sa survie. Il sera transformé, non par la nécessité économique et au prix même, selon toute probabilité de quelques sacrifices en terme de prospérité et de bien être, en une entité différente que l’on pourra ou non baptiser socialisme selon que l’on éprouve le goût et l’on accepte ce vocabulaire. » – Joseph Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942
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L’alternative proposée par Julia Cagé dans son livre pour redonner du pouvoir aux salariés journalistes et aux lecteurs: un statut de « société de média à but non lucratif« , un statut hybride entre fondation et société par actions.
Pour en savoir plus sur ce statut innovant, achetez le livre de Julia Cagé:
Sauver les médias : Capitalisme, financement participatif et démocratie
Consultez également le site internet de Julia Cagé: Sauver les médias
En étudiant les pratiques de journaux tels que Le Monde, Libération, Alternatives Économiques ou encore celles des pure players comme Mediapart, ce livre vous fera voyager à travers l’histoire des médias jusqu’à ce qu’ils sont devenus aujourd’hui avant de conclure sur une proposition de nouveau statut qui permettrait de « Sauver les médias. »
Point à souligner: La survie des médias et de la démocratie pourrait passer par le crowdfunding, le financement participatif !!
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La concentration des médias s’intensifie
À l’heure de publier cet article, l’Agence France Presse révélait que de nouveaux « médiavores » ambitieux visaient l’international. C’est notamment le cas de Patrick Drahi, patron de Altice (SFR), et de Vincent Bolloré, à la tête de Vivendi et Canal +.
Et ils ne sont pas seuls !!
« Xavier Niel, patron de Free, et le banquier Matthieu Pigasse, qui avec Pierre Bergé détiennent déjà le groupe Le Monde et L’Obs, lorgnent sur l’audiovisuel: ils ont créé un fonds de 500 millions d’euros avec le producteur Pierre-Antoine Capton pour des rachats en France ou à l’international », selon l’AFP.
Dans la presse, Bernard Arnault (LVMH), propriétaire des Echos, a racheté le quotidien « Le Parisien » tandis que « Le Figaro » (groupe Dassault) a repris le groupe CCM-Benchmark, devenant le leader français d’internet en terme d’audience, juste derrière les géants américains comme Google et Facebook.
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En France, quelques grands groupes (Lagardère, Dassault…) se partagent l’essentiel des médias, selon Wikipédia. Les neuf principaux groupes de presse français réalisent un chiffre d’affaires qui se situe entre 2,2 milliards d’euros et 280 millions d’euros.
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Par ordre décroissant de chiffre d’affaires, il s’agit de Lagardère Active (Lagardère), de la Socpresse (Dassault) (Le Figaro), du groupe Amaury (Le Parisien), de Prisma Presse, du groupe Le Monde, d’Emap Media, de Bayard Presse, d’Ouest-France et de Sud Ouest.
La révolution des médias
L’entrepreneur […] est le révolutionnaire de l’économie. » – Joseph Schumpeter, Théorie de l’évolution économique, 1911/1926
Le monde des médias est secoué par l’hyper-connectivité, la mobilité et l’image, remarque Thierry Drilhon, PDG d’Euro Media Group, dans un article de Les Echos.
L’industrie des médias est donc en train de connaitre sa révolution, une révolution copernicienne et schumpeterienne.
Pour paraphraser les propos du duc de la Rochefoucauld au Roi Louis XVI au lendemain de la prise de la Bastille:
« Non Sire ce n’est pas une révolte, c’est une révolution ».
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Les médias entrent donc dans une période de « destruction créatrice » telle que définie par l’économiste autrichien Joseph Schumpeter.
Le nouveau ne sort pas de l’ancien, mais apparaît à côté de l’ancien, lui fait concurrence jusqu’à le ruiner. » – Joseph Schumpeter, Théorie de l’évolution économique, 1911/1926
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Au courant du XXe siècle, Joseph Schumpeter reprend à sa propre sauce les travaux de son prédécesseur Kondratieff [un économiste russe mort au Goulag].
L’économiste autrichien, désormais vu comme une des Lumières des théories de l’innovation, « avance qu’au-delà des fluctuations issues de la conjoncture et des difficultés de coordination macro-économique propres à une économie de marché, il existe des cycles longs, de l’ordre d’un demi siècle (moitié pour la phase de croissance, moitié pour la phase de ralentissement), dont le déterminant est une innovation technique majeure qui irrigue toute une série d’applications portées par les entreprises et suscite des vagues successives d’investissements« , selon Alternatives Économiques.
Des « révolutions coperniciennes » permettent donc à l’économie d’aller de l’avant.
On parle de révolution copernicienne pour désigner « la transformation des méthodes scientifiques et des idées philosophiques qui a accompagné le changement de représentation de l’univers du XVIe au XVIIIe siècle », selon Techno-Sciences.

Nicolas Copernic – Source: Wikipédia
Cette révolution a fait passer les représentations sociales accompagnant les représentations mentales de l’univers, d’un modèle géocentrique, selon Ptolémée, au modèle héliocentrique défendu par Nicolas Copernic, perfectionné par Johannes Kepler, Galilée, et Isaac Newton.
« La révolution copernicienne, au sens propre, consistait à expliquer le monde, et les objets qui le composent, par la gravitation, appelée loi universelle de la gravitation en raison de son caractère considéré comme général à l’époque. »
Pour en savoir plus sur la révolution des médias, Finobuzz vous suggère la lecture du rapport [pdf] La transformation numérique des industries des médias culturels: perspectives de réussite et de défis du cabinet PwC (2011), une étude effectuée pour la Société de développement de l’industrie des médias de l’Ontario.
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